Portrait d’une féministe afromusulmane: Ndella Paye

Zoom sur une féministe au combat inné

Théologienne musulmane française, Ndella Paye est l’une des figures du mouvement afro-féministe en France. Son parcours et son engagement ont débuté suite à la promulgation d’une loi qui interdit le voile à l’école, en 2004. Elle participe ensuite à la création du Collectif des Féministes Pour l’Égalité qu’elle finira par quitter en 2012. Elle crée en 2011 le collectif Mamans Toutes Egales, pour soutenir les mères voilées exclues de sorties scolaires.

Si Ndella se veut sur tous les fronts, le combat afro-féministe reste son combat, car être une femme noire, musulmane et portant le voile s’avère quelque fois compliqué. Ce combat qu’elle fait sien prend d’autant plus de sens que Ndella est maman de 3 filles et « qu’il faut veiller à leur éducation, leur donner confiance en elles, leur expliquer que la peau noire et les cheveux afro sont jolis ». Comme de nombreuses femmes, le premier modèle de Ndella reste sa mère, une infirmière qui a su quitter un mari trop autoritaire, reprendre ses études tout en faisant face aux difficultés du quotidien.

Être militante ? La question ne se pose même pas pour Ndella qui affirme clairement que :

« Quand on est racisé et qu’on en est conscient, on est obligé d’être militant. Notre vie est résistance ».

Rien de mieux pour découvrir et comprendre plus amplement la pensée de Ndella, sa vision du féminisme et la complexité de son combat féministe, qu’un extrait d’une tribune rédigée par ses soins et publiée sur Mediapart en 2015, s’intitulant « Stop! Mon corps ne vous appartient pas ». Des mots durs, parfois violents mais qui retranscrivent de façon authentique le combat de nombreuses femmes.

« Nous devions prouver que nous étions féministes, mais quelle que soit la réponse que nous leur apportions, le fichu sur notre tête nous disqualifiait d’office. On ne peut pas être féministe et porter le foulard. (…) Pourquoi exiger de moi que j’enlève mon foulard parce que certaines ont lutté pour se dénuder ? En quoi ce bout de tissu que j’ai sur ma tête remet en cause des années de luttes de femmes ? En fait, ce que ces femmes me disent depuis plus de dix ans c’est : « ton corps nous appartient ». Comment pouvait-il en être ainsi pour des femmes qui luttent depuis des décennies pour s’approprier leur corps ? Parlons de ces luttes justement, que des femmes ont menées pour s’émanciper de la domination masculine. Elles les ont menées contre les diktats des hommes qui définissaient la longueur de leurs cheveux et de leurs vêtements. L’ironie du sort, c’est que ces mêmes femmes, qui ont tant lutté pour obtenir la liberté de choix, veulent interdire à d’autres femmes d’avoir des choix différents des leurs. Elles reproduisent sur d’autres femmes qui ont seulement décidé d’adopter d’autres règles vestimentaires que les leurs les mêmes violences qu’elles ont subies.) Il convient de (re)définir le sens que ces femmes donnent au féminisme et à l’émancipation. Si le féministe signifie lutter pour l’égalité hommes-femmes et l’amélioration des droits et de la situation des femmes, comment comprendre qu’autant de violences sur d’autres femmes, quelle que soit la justification avancée, soit « féministe » ? Comment cela peut-il être fait « au nom du féminisme » ? Comment des femmes arrivent-elles à reproduire sur d’autres femmes ces mêmes mécanismes qu’elles dénoncent, sans que cela ne les ébranle le moins du monde ? (…) Elles sont tellement « la norme » qu’elles ne se rendent pas compte de leurs dérives. Quand ces femmes s’adressent à moi, c’est avec une telle condescendance qu’on croirait que je suis leur sujet (« sujet » : se réfère à la classification juridique d’une personne dans une ou plusieurs catégories d’indigénat). À leurs yeux, je ne peux être libre, autonome, douée de raison, je ne peux être maîtresse de mes choix. C’est tellement infantilisant de se voir expliquer constamment le monde, de se voir traitée d’aliénée, d’éternelle enfant. »

Si la définition du féminisme diffère d’un individu à l’autre, Ndella Paye a la sienne et compte bien la faire entendre. Une militante qui sort les mots comme elle les ressent et qui n’a pas honte de faire part de sa pensée. Finalement, Ndella Paye c’est cette lutte personnelle que chacun mène et des idées dans lesquelles tout-un-chacun peut se retrouver. Une force d’esprit. Des idées qu’on ne cesse de défendre quand bien même elles ne sont pas comprises. Mais surtout un objectif bien précis: l’égalité à tous les niveaux. N’est-ce d’ailleurs pas cela qu’être une féministe?

Mellinda Rahoui